Je m'appelle Floriane, j'ai 30 ans.
Je suis maman d'une petite Zoë de 10 ans dans 3 mois, née à 40sa, à 2,900kg et 48cm, d'un petit Sacha, né par déclenchement le 10/02/17 à 33sa et 5 jours, à 1,410kg et 40cm suite à une pré-éclampsie et à un RCIU sévère, et d'un petit Charlie, né le 30/08/18 à 40sa et 4 jours, à 3,840kg pour 52cm.
Voici l'histoire de la naissance de Sacha.
Le mardi 7 février 2017, je pars pour faire une écho de contrôle (pour la croissance, car petit bébé).
Je ne le sais pas encore mais je ne ressortirai pas de l'hôpital, et le jeudi je serais déclenchée...
J'avais des signes, et je sentais que je n'irai pas à terme depuis un moment sans savoir trop pourquoi et sans trop vouloir y croire... Et cela a bel et bien été le cas.
J'avais déjà eu quelques soucis de tension élevée, mes analyses avait montré à plusieurs reprises que j'avais un taux de protéines trop important, et là, l'échographie dévoilait un bébé qui n'avait pas pris de poids en 10 jours... J'étais en train de faire une pré-éclampsie.
Lorsque ma gynécologue m'a annoncé la nécessité de "faire sortir" mon fils de mon ventre (les mots sont choisis volontairement car on ne pense pas à une naissance mais à un sauvetage), le monde s'est écroulé sous ma chaise.
J'ai mis quelques minutes à réaliser que c'était sérieux.
Ma première réaction a été de dire "mais vous êtes sûre ?"... Puis j'ai tenté de gagner des jours... Elle m'a dit que cela serait soit pour jeudi soit pour vendredi. Évidemment, j'ai dit vendredi...
En fait, je n'y croyais pas.
Puis les émotions m'ont littéralement submergée et je me suis effondrée. Une véritable panique s'est emparée de moi.
J'avais certes eu quelques signes à plusieurs reprises, mais j'étais sereine, je ne me sentais pas malade... Je n'avais pas mesuré la gravité de la situation et j'étais loin d'imaginer que les choses allaient prendre cette tournure...
J'avais toujours eu cette intuition que je n'irai pas jusqu'en avril, mais jamais je ne m'étais dit qu'il était possible que mon lutin puisse naître avant 37 semaines d'aménhorée...
C'était donc inattendu, je n'étais pas prête à entendre une telle nouvelle et j'étais sous le choc.
On m'avait donné l'estimation d'un bébé d'1,500kg, ce n'était pas possible, il ne pouvait pas sortir, il n'était pas terminé... "Je ne l'avais pas terminé".
Tous les éléments de mon projet de naissance se cassaient la figure un à un, comme des dominos.
Et puis comment ça allait se passer concrètement, allait-on devoir être séparés ? Changer d'hôpital ? Comment sont les bébés à ce stade ? Peuvent-ils respirer seuls ? S'alimenter ? Digérer ? Bref j'ai eu besoin de tout savoir.
Pendant ces 7 mois, j'avais fait des tonnes de recherches sur tout ce qui concernait l'allaitement (d'un bébé à terme), le cododo, le portage, la composition des produits d'hygiène, la pratique de la motricité libre, les méthodes de diversification (DME etc), tout ce qui selon moi allait être la meilleure façon d'offrir le monde à mon enfant...
Mais sur le sujet de la prématurité je ne savais rien.
Je n'avais pas pu me préparer et j'étais aussi démunie qu'impuissante.
Puis, est arrivée la culpabilité. Était-ce de ma faute ? Et si j'avais mangé moins salé ? Et si j'avais bu plus d'eau ? Pourtant je m'étais reposée (bien plus que pour mes deux autres grossesses)...
Je n'avais pas su lui donner le meilleur que moi.
Mais pourtant je l'aimais tellement cet enfant, cela aurait dû se passer autrement, on était tellement bien comme ça, pourquoi fallait-il que ça s'arrête ? Il devait y avoir une raison...
En bref, je me sentais comme un incubateur défaillant.
Comme si je n'avais pas aimé suffisamment mon enfant. Comme si c'était ce que mon corps avait voulu me faire comprendre.
J'ai eu deux jours pour penser à tout ça. Deux jours pour digérer la chose, pour en parler à mon fils, pour lui présenter mes excuses mille et mille fois...
Deux jours pour pleurer en comptant les derniers mouvements de mon bébé à l'intérieur de mon ventre, qui d'ailleurs à mon grand désespoir, du fait de l'injection des corticoïdes, était bien moins actif que d'ordinaire.
Deux jours pour m'informer et me faire une idée de la suite. Pour lui, et également pour nous deux.
J'ai assez rapidement décidé de retrouver mon calme et d'utiliser toute mon énergie pour apprendre.
Il n'avait pas besoin de ressentir toutes ces émotions négatives.
Il avait besoin d'une maman avertie, qui l'accueille positivement.
J'ai donc demandé à voir une consultante en lactation pour savoir ce qui allait être envisageable.
J'ai vu une sage-femme car il n'y en avait pas dans ma clinique... Les informations étaient assez basiques et succintes.
La conclusion était que le taux de réussite d'un allaitement de prématuré était faible...
La plupart des mamans décidaient rapidement de passer au biberon (conseillées ou non par le personnel médical) car la prise de poids et donc la sortie de néonat étaient plus rapides.
Mais certaines y arrivaient.
C'était donc possible.
Je m'accrochais avec ferveur à la certitude que je réussirai.
Arrive donc l'étape fatidique du déclenchement.
Le lancement des opérations.
Les contractions arrivent rapidement après la pose du tampon, et ne sont que le début du processus de cette naissance organisée, tout est supervisé, contrôlé... Il n'y a plus rien de naturel.
Je suis une machine organique et mon accouchement ne m'appartient pas.
Mon col ne lâche pas prise et cela ne me surprend pas vraiment. J'ai le sentiment que rien en moi n'est prêt.
Comment convaincre mon corps qu'il est l'heure et qu'il n'a pas le choix ? Comment lui faire comprendre qu'il est important de céder, de faire ce que l'on attend de lui, afin de ne pas faire souffrir ce tout petit être fragile ?
Je veux à tout prix éviter une césarienne... Je l'ai déjà fait, je sais accoucher, et j'y tiens profondément.
Je veux au moins faire ça de la façon dont ça aurait dû se produire dans des conditions "normales".
Les heures passent et j'essaie d'être détendue autant que possible. Je sais que bébé en a besoin et que ça m'aide.
Le fait de savoir que pour le moment mon fils tient le coup malgré la force et l'enchaînement des contractions sur son tout petit corps m'aide beaucoup, je prends progressivement confiance en moi et en lui. Je le sens plus fort que je l'aurais cru.
Ça fonctionne. La porte de mon corps s'ouvre et décide de laisser s'engager mon enfant. Je le sens glisser doucement... J'appréhende terriblement de le rencontrer...
Au moment de pousser, j'ai une sensation étrange. Je sais qu'il faut que je pousse à fond mais je n'arrive pas à y aller de toutes mes forces.
Je visualise malgré moi sa tête qui doit être toute petite, son minuscule nez tout fragile... Et j'ai peur de l'abîmer.
(C'est finalement moi qui me serai fait mal, lui n'aura rien senti et son crâne sera indemne.)
À 21h15, lorsqu'il sort enfin, la sage-femme le soulève et j'aperçois une forme irrégulière, quinze centimètres carré de mon bébé tout recroquevillé...
Ma première pensée a été de me dire qu'il était mort. Ce petit être si minuscule... Il ne pouvait pas vivre.
On l'a posé sur moi quinze secondes pendant lesquelles mon cerveau s'est mis en pause... Je ne sais plus ce qui s'est passé, ce que j'ai dit ou pensé. Puis on l'a emporté.
C'est seulement au moment où la puéricultrice a fermé la porte de la salle de naissance que j'ai entendu mon fils crier... Et c'est à ce moment là que j'ai retrouvé mes esprits.
"c'est mon fils qui hurle comme ça ?"
Je n'y croyais pas...
Un son si puissant qui sortait d'une si petite chose ?
On m'a répondu que cela ne pouvait être que lui car j'étais la seule à accoucher en ce moment dans le service.
Il était né. J'étais sa mère. On nous a demandé son prénom... Sacha.
On m'a donné son poids, 1410 grammes...
D'après leurs observations tout allait bien, il respirait seul mais il allait être mis en couveuse car il était incapable de réguler sa température.
Il allait rapidement être transféré dans un autre hôpital, le service de néonatalogie de la clinique dans laquelle nous nous trouvions ne prenant en charge que les bébés d'1,500kg au minimum.
Cela signifiait que nous allions devoir être séparés au moins pour cette nuit.
Donc pas de tétée de bienvenue et pas de mise au sein, ça je le savais, mais pas de peau à peau, pas de tire lait la première nuit, pas de contact avec mon enfant...
J'étais abattue.
Je voulais absolument le voir avant qu'il parte, et heureusement, j'en ai eu la possibilité l'espace de 5 minutes.
Le papa a suivi notre fils dans le second hôpital, et je suis restée seule. Encore plus impuissante et démunie que je l'étais avant. Une nuit qui allait être sa première nuit, et dont je n'allais d'aucune façon faire partie...
Je n'ai presque pas dormi. Le papa m'envoyait des photos de lui en peau à peau avec notre enfant, et cela me faisait infiniment chaud au cœur de voir que notre petit bout recevait de l'amour, de la chaleur, un peu de nous...
J'ai préparé mes affaires, refait mes valises qui étaient en vrac depuis mon séjour pré-accouchement, et j'ai attendu.
Physiquement c'etait comme si je n'avais pas accouché. Je n'écoutais pas mon corps, sa fatigue et ses douleurs. Tout se jouait à l'intérieur... Mentalement j'étais en ébullition.
J'avais complètement changé d'état d'esprit. J'étais maman pour la deuxième fois, et mon fils avait besoin de moi. Je devais être forte. Je devais tout lui donner et être à ses côtés. Je devais être une guerrière.
Le lendemain, l'ambulance est arrivée pour me rapatrier auprès de mon fils.
J'étais exaspérée de devoir monter sur leur brancard alors que tout allait bien.
Les minutes étaient des heures jusqu'à ce moment où j'allais pouvoir le voir, découvrir son état et ce qui lui avait été fait...
La première nuit, il n'y aurait pas de place en chambre mère enfant. J'avais donc été installée dans le service gynéco, et je devrais partager ma chambre avec une dame. J'y jetais mes affaires avant de me ruer le plus vite possible au service néonat.
Là, après avoir passé un premier sas, après avoir désinfecté mes mains, enfilé une blouse et un masque, puis après avoir franchi une deuxième porte en verre, je trouve mon bébé.
Mon tout petit bébé qui nageait dans sa couche minuscule, coiffé de son bonnet de laine jaune et bleu turquoise, et qui partageait sa couveuse avec une adorable petite pieuvre...
J'ai immédiatement demandé à faire un peau à peau.
Enfin, je ressentais le bonheur de l'avoir contre moi.
Je découvrais mon enfant...
Mon fils était d'un calme olympien. Il ouvrait les yeux de temps à autre, mais somnolait la plupart du temps.
Je l'observais, j'enregistrais les moindre détails... La forme de son nez, le dessin du contour de ses lèvres, les détails de ses microscopiques oreilles et de ses pieds, ses mains, ses phalanges, ses ongles... Bercée par les bruits du service et les bips incessants du matériel médical autour de nous...
Nous sommes blottis l'un contre l'autre, et je remarque qu'il ouvre la bouche de temps en temps. Je décide de l'approcher de mon mamelon, et de le laisser faire. Il ouvre alors une bouche qui me semble énorme, proportionnellement à sa taille, et fait sortir son tout petit bout de langue... J'appelle l'auxiliaire et je lui montre.
Je suis étonnée et ravie de noter une telle réaction, je n'en demandais pas tant.
Elle m'aide à l'installer au sein correctement, jonglant habilement avec les fils, les capteurs et les électrodes qui le relient au scope.
Et là, Sacha tétouille.
C'est léger, à peine perceptible, mais il est intéressé par la chose.
C'est un feu d'artifice qui explose en moi.
Désormais, je ne suis plus seulement convaincue, je SAIS qu'on y arrivera, car lui aussi en a envie.
Je passais donc ma première nuit à tirer mon lait toutes les trois heures, et à faire des allers-retours entre l'unité de soins intensifs du service de néonatalogie où se trouvait mon fils, et ma chambre, où j'essayais de dormir tant bien que mal, ma colocataire ayant décidé de laisser la lumière allumée toute la nuit...
Le lendemain matin, une chambre mère-enfant se libère. Je suis la plus heureuse de l'univers, je vais être dans le même service que mon bébé...
Finies les déambulations entre couloirs et ascenseurs.
Je prends de nouveau mon paquetage et je monte m'installer. Je me rapprochais peu à peu de lui.
Le troisième jour, mon fils sort des soins intensifs et me rejoint, dans cette chambre qui serait la notre pendant plusieurs semaines.
On avançait encore d'un pas l'un vers l'autre.
Désormais, seule la paroi en plexiglas de sa couveuse nous séparait... Nous respirions "le même oxygène".
Je continue de tirer mon lait toutes les trois heures, en notant tout dans un carnet, même si pour l'instant rien ne sort de ma poitrine.
Je ne doute pas, je suis patiente, et je ne me plains même pas des téterelles des kits stériles qui ne me sont pas adaptées.
Les soignantes se veulent rassurantes et optimistes sans l'être trop.
On m'explique un peu tout, le protocole, les soins quotidiens, le fonctionnement du service, la relève, la tournée des pédiatres... Je reçois plein d'informations et j'arrive à peu près à suivre.
Mais en fait, à ce moment là, je n'ai qu'une seule chose en tête... Réussir à nourrir mon enfant.
C'était ça mon objectif.
Sacha, lui, pouvait prendre le temps qu'il voulait pour progresser. Désormais j'étais là, avec lui, sa grande sœur était entre de bonnes mains, sereine et patiente également...
Rien ne pressait.
Les premiers jours, il est alimenté de lait maternel provenant du lactarium, par sonde nasogastrique.
C'est un petit tuyau tout fin, qui part d'un dispositif électrique dans lequel est posé une seringue (APS - Auto-push syringe) et qui va jusqu'à son estomac en passant par son nez.
Je suis infiniment reconnaissante de ce trésor qui nous est offert par ces fées nourricières, elles ont mon éternelle gratitude...
Mais j'espère malgré tout réussir rapidement à subvenir moi-même aux besoins alimentaires de mon petit lutin.
Mes heures sont donc rythmées par le son produit par le tire-lait, et je fais tout pour faire venir la montée de lait...
Je tente de me reposer mais je ne lâche pas mon fils, qui est, je le sais, le meilleur galactogène qui puisse exister.
Lorsque enfin, au cours de la nuit de J3 à J4, le 14 février à 2h17, j'arrive à extraire 10ml de colostrum, j'explose de joie...
Dix millilitres, c'est une dose complète pour mon fils.
Je sais que quelques heures plus tard, il serait alimenté grâce à moi.
C'est alors fièrement que je colle notre étiquette sur le premier "biberon" (récipient avec un couvercle bleu contenu dans le kit stérile du tire lait) de mon bébé.
Jusqu'ici, j'avais déjà réussi à tirer un ou deux millilitres de lait, que nous lui avions glissé entre les lèvres tel une petite gourmandise, mais là, ce "pas grand chose", c'était énorme...
Une fois ma production lancée, il allait falloir que Sacha apprenne à téter efficacement.
S'enchaînent donc les tétées-pesées angoissantes, additionnées à la douleur d'une très grosse crevasse causée par la téterelle inadaptée mentionnée plus haut...
Il y a également une autre ombre au tableau, une jaunisse dont mon fils peine a se débarrasser, et qui le fatigue tellement qu'il ne parvient plus à téter.
Mais cela ne me décourage pas, et Sacha viendra finalement à bout de son ictère à quatre jours de vie.
On essaye de me convaincre d'utiliser un bout de sein pour ma crevasse.
Je m'y refuse...
Toutes les auxiliaires et les puéricultrices n'ont pas le même discours, certaines sont mieux formées que d'autres, l'une d'elle est même plutôt calée mais elle n'est pas souvent là.
Je m'en moque, je me suis renseignée...
Je ne commettrai aucune erreur, et mon allaitement ne serait pas mis à mal (comme cela avait par ailleurs été le cas lors de l'allaitement de ma fille) par d'éventuels mauvais conseils.
Petit à petit, l'ensemble du personnel finit par comprendre et accepter que je préfère me débrouiller.
Plus les jours passent, plus je suis autonome, et rien ne peut me rendre plus heureuse.
J'ai appris à ne plus m'emmêler dans les fils en changeant sa couche, j'ai appris à lire les données du scope, cet écran anxiogène, que je regarde de moins en moins à mesure que le temps passe et que je constate que tout va bien, et duquel je finirai même rapidement par apprendre à couper l'affichage...
J'ai appris les gestes qui respectaient au mieux sa physiologie, j'ai appris à traduire comprendre chacune de ses réactions, et j'ai appris à me faire confiance.
Je prends progressivement de l'assurance, et je me réapproprie autant que possible mon rôle de maman.
À cinq jours de vie, Sacha réussit à prendre dix-huit grammes au sein sur sa dose fixée à vingt millilitres. C'est une victoire époustouflante à mes yeux.
C'est un champion, et j'ai la sensation que plus je vais bien, plus lui aussi, et plus il fait des progrès. On forme une belle équipe... Il me comble de bonheur et de fierté.
J'ai un moral en béton, mais j'avoue que ma grande me manque... Elle nous rend régulièrement visite tout au long de notre séjour à l'hôpital, accompagnée de mes beaux-parents, et cela me fait un bien fou.
Pas le moindre signe de babyblues ici... Juste la niaque et beaucoup d'amour.
Un fil à déjà été retiré à mon fils (le KTVO), celui qui passait par son nombril et qui se finissait par une petite boîte rose.
La température de la couveuse baisse progressivement.
À une semaine de vie, je peux désormais lui faire porter un body taille 00 et cela m'enchante... Cela vient de nous, nous l'avons choisi pour lui, et c'est la première chose matérielle que l'on peut lui offrir.
À neuf jours, c'est moi qui prends son premier bain, enveloppé d'un lange. Je saute de partout.
À dix jours, mon tout petit passe en berceau chauffant. Il porte un pyjama et il dort sous une couverture.
Je n'ose même pas y croire...
Si ce n'est sa maigreur et la sonde dans son nez, mon bébé se rapproche en apparence de la normalité, et j'exulte de le regarder dormir dans la douceur de sa layette.
Quand ton petit bout pleure après avoir été changé et après avoir mangé.
Quand tu peux enfin le prendre dans tes bras, seule, sans avoir à sonner les infirmières, et que tu t'aperçois que c'est exactement de ça dont il avait besoin...
Quand tu te sens pleinement maman, et que tu as retrouvé tes droits en même temps que la couveuse a disparu... C'est un bonheur incommensurable qui t'envahit.
Désormais, il ne reste plus qu'à attendre que Sacha prenne suffisamment de poids et devienne un pro de la tétée.
Dans ce domaine, je suis de nouveau impuissante et tout repose sur lui.
Il y a des hauts et des bas, des jours ou même des semaines meilleures que d'autres...
Bientôt, on met en place un protocole que l'on appelle Fleur de lait, et qui va servir à observer sa progression au sein en suivant plusieurs étapes.
Le rituel des tétées pesées est fatiguant.
Il implique de déshabiller complètement Sacha après chaque tétée pour voir combien de lait il a pris au sein, et je commence à en avoir marre de déranger mon pauvre bébé qui préférerait mille fois s'endormir paisiblement dans la chaleur confortable de mes bras...
Il y a cette fameuse semaine, qui correspond à la 35ème semaine d'aménhorée lors d'une grossesse, dont on m'avait parlé en me prévenant qu'elle était souvent compliquée et très calme en terme de progrès...
Nous avons pu vérifier et surtout confirmer cette théorie.
Mon moral avait tenu jusqu'ici, mais lorsqu'il n'y a plus eu que la tétée qui "posait problème", j'ai commencé à m'en vouloir. Je me suis mise à douter et à me demander si je n'étais pas égoïste de m'acharner comme cela sur ce projet d'allaitement qui me tenait à cœur, alors que j'aurais tout aussi bien pu faire du tire-allaitement et lui laisser prendre le biberon qui le fatiguerait moins...
Mais je retrouvais mes esprits et je persévérais. La suite serait meilleure au sein, et je ne parvenais pas à la voir autrement que de cette façon.
On coupe enfin le chauffage du berceau lorsqu'il a deux semaines et demi.
Il porte désormais une turbulette, et on lui a retiré le "cocon", sorte de coussin de grossesse miniature qui servait à le rassurer en lui donnant une position plus ou moins "regroupée".
Au bout de trois semaines de vie, on atteint l'étape 4 du protocole Fleur de lait.
Celle-ci consistait à passer 16h en donnant le sein à la demande sans tétées-pesées (et forcément sans complétement), et 8h de sein à la demande avec tétées-pesées, où nous devions complémenter si rations prises de façon incomplète.
Il allait donc falloir procéder de cette façon pendant deux ou trois jours, peser bébé quotidiennement, et espérer qu'il prenne du poids.
Il ne fallait pas qu'il en perde, il devait seulement stagner à son poids de la veille, ou au mieux, en prendre.
C'était un peu étrange de ne pas pouvoir contrôler ce qu'il arrivait à téter, cela me faisait un peu peur, mais c'était le jeu, et surtout c'était la suite logique (les tétées-pesées n'auraient plus lieu une fois de retour à la maison).
J'essayais d'avoir confiance en lui et en moi... Mais je guettais encore plus que d'ordinaire pour repérer les moindres signes d'éveil pouvant signifier qu'il voulait téter.
Chaque jour, son poids augmentait.
Je commençais peu à peu à y croire...
Rapidement, on finit par passer à l'étape 5 du protocole, où les tétées pesées sont intégralement supprimées. Jusqu'ici tout se passe bien.
Entre le 4 et le 5 mars cependant, mauvaise surprise... Sacha ne prend que 8g.
La sortie allait donc être reculée, car les médecins estimaient qu'il devait prendre un minimum de 20g par jour, et que ce chiffre n'était pas bon.
C'est un tout petit coup dur, mais qui suffit à me faire défaillir... Nous étions si proches du but... Je craque, je perds patience et j'en veux à tout le monde. J'ai l'impression qu'on nous détient prisonniers alors qu'il n'y a pas de raison à cela car tout va bien.
Le 6 mars, les médecins donnent néanmoins leur feu vert pour couper le scope.
On continue les tétées à la demande, à l'aveugle à 100% cette fois, avec une pesée quotidienne.
Sacha arrache une énième fois sa sonde nasogastrique, et je note avec plaisir qu'on ne la lui remet pas.
Depuis déjà quelques jours, les puéricultrices ne passent me voir qu'une fois dans la journée pour noter le poids de mon fils, et je ne m'en porte pas plus mal, même si je trouve le temps long.
En effet, il n'y a ni télévision ni musique en néonatalogie. La raison est qu'il est préférable d'éviter les sur-stimulations visuelles et auditives qui nuiraient à bébé. Jusqu'ici rien de cela ne m'a manqué, mais mis à part bouquiner et surfer sur mon téléphone, je n'ai rien à faire...
Le 7 mars au soir on m'annonce que la sortie est pour le lendemain si la pédiatre donne son accord.
Je vis un véritable ascenseur émotionnel.
Alors que deux jours auparavant on me parlait d'une sortie encore lointaine, voilà que tout s'enchaîne...
Je n'arrive pas à suivre et je n'ose plus me réjouir de peur de me casser les dents une fois encore.
Le lendemain allait être la journée la plus longue de tout notre séjour...
Le verdict du pédiatre se faisait attendre, et je ressentais cela comme une torture ultime.
Par superstition, je n'avais pas osé commencer la préparation de nos valises.
À 18h, après une dernière pesée, qui nous annonçait un poids de 2,175kg, nous obtenions notre clé pour la sortie.
Je jetais toutes nos affaires en vrac le plus vite possible dans nos sacs et nos valises, je remerciais rapidement mais avec tout mon cœur les membres de l'équipe présents sur les lieux à ce moment là, et nous partions aussi vite que possible, de peur que pour une raison inconnue on ne vienne m'annoncer que l'on changeait d'avis...
Sacha dans son cosy. Sacha à l'air libre. Sacha dans notre voiture. Puis enfin, Sacha chez lui, dans son foyer, entouré de sa famille.
Et moi dans mon paradis sur terre.
Cette aventure a été l'une des plus intenses de ma vie.
Et pourtant, je ne regrette rien.
Nous avons eu un parcours de guerriers. Nous avons fait preuve de courage et de persévérance.
Nous nous sommes battus, et avons réussi.
Je suis fière de notre merveilleux allaitement, qui dure encore aujourd'hui à 21 mois, malgré la traversée d'une grossesse comme nouvelle épreuve.
Et lui, ce tout petit lutin, il aura remporté fièrement tous les combats, et gravi tous les obstacles haut la main.
Il m'a tellement scotchée à quelques heures de vie seulement.
Enfin, tout cela, malgré les difficultés rencontrées, nous aura permis de créer ce lien si fort, si particulier, ce lien indescriptible qui nous unit, presque plus encore que le cordon qui nous reliait.
Alors, aussi bizarre que cela puisse paraître, je ne regrette pas d'avoir eu la chance de faire la connaissance de mon fils plus tôt.
Même si nous sommes passés par toutes les émotions possibles, positives comme négatives, même si ça n'a pas toujours été simple et que nous avons parfois craqué, jamais je ne regretterai de l'avoir finalement rencontré, ce vendredi 10 février au lieu du 3 avril 2017.
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